Zone de Texte: Présentation


Qui a un peu voyagé parmi les manuels et les divers ouvrages proposant une introduction à la philosophie ou l’élucidation de telle pensée de tel grand bonhomme a du, comme moi, subir quelques déceptions. C’est que nous avions affaire soit à de la sous-philosophie, soit à une pure répétition de ce qu’avaient d’imbitables les pensées dont nous cherchions cependant la clef.

Les premiers, à force de vouloir être simples, avait épuré les notions de leur ordre rationnel de telle façon que, retombant dans l’opinion, elle devenait aussi contingentes qu’un récit historique. Et, de fait, lorsqu’on ne saisit plus la nécessité intérieure des concepts, qu’on ne peut les relier au double roc d’une expérience de vie et de pensée, les idées devenues vides et abstraites flottent dans un pauvre « peut-être » où se perd l’épreuve vivifiante de la vérité.

Quant aux seconds, lorsqu’il ne tombaient pas dans la pure et simple histoire de la philosophie, ils étaient bien souvent brillants, gorgés de concepts et de références, mais manquaient - sauf exception - de chair, soit de la vie même à partir de laquelle seule les concepts se mettent à parler une langue qui soit la nôtre. 

Parmi tous ces ouvrages et tous ces commentaires, ce qui retenait particulièrement notre attention, c’était le moment où l’auteur, dans sa bonté, exemplifiait sa pensée. Enfin là, pensions-nous, nous allions véritablement comprendre en reliant ces pensées, si abstraites et si vides de la réalité commune, au cœur de notre vie afin d’illuminer cette dernière d’un sens nouveau et inconnu. Et, de fait, tous - ô hypocrites ! - courent vers ces quelques lettres et ces deux-trois scolies où Spinoza prend la peine de quitter le ciel de ses concepts pour nous donner le versant chair et clair de sa pensée, vers les quelques exemples dont Kant parsème ses Critiques, vers les beaux commentaires d’Alain, etc, etc. Les professeurs de terminales le savent bien : impossible de faire passer un concept si on ne l’ancre pas dans son sol d’expérience vivante. Pas possible de tricher ici – sous peine de lynchage spontané.

Mais il ne s’agit pas seulement de pédagogie. « Je ne lis un auteur que s’il est capable de donner des exemples », disait Nietzsche. Il s’agit de vérité. L’idée vraie est idée incarnée. Non qu’elle se réduise à l’épreuve immédiate que nous faisons de la vie. On ne comprendrait alors ni les erreurs ni les illusions dont cette dernière est tissée. Mais sans un tel sol vivant, Terre irréductible de laquelle émerge et sur laquelle s’exerce le travail même de notre pensée, il n’y a nulle vérité mais des mots décollés, vides et sans chair, simples fantômes de nos existences incarnées.

 à  On trouvera ici quelques chemins de pensées faisant feu de tous les bois qui m’ont un peu chauffé. Bandes-dessinées, installations, tableaux, textes de littérature, analyse de situations multiples de notre vie commune… sont parfois bien plus riches de philosophie que les ouvrages qui n’en portent que le nom. Ils nous serviront d’échelle tant pour comprendre certains grands textes ou idées de la philosophie que pour nous élever – et c’est là l’essentiel - à quelques vérités. 



				
  
     Alex Taget  [d]
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