Méthodologie de la
dissertation – appliquée au sujet :
« Est-ce
un devoir de travailler ? »
Etapes de construction
1)
Analyse des termes du sujet et problématisation.
En
même temps – tout en gardant les yeux sur l’analyse – Brainstorming.
2) Réponse au problème par construction de
concept – construction du plan
3) Ecriture
de l’introduction. Ecriture de la conclusion.
4) Rédaction
Partage
indicatif du temps
Analyse
des termes, problématisation, plan : 1 h 30
Ecriture
de l’introduction et de la conclusion : 30 min
Rédaction
de la dissertation : 1 h 45 min
Relecture :
15 min
1) Analyse
des termes du sujet, brainstorming et problématisation
*
Analyse, travail sur les termes par interrogation et liaison des termes
entre eux.
*
Mise en lumière des opposés et des termes voisins : différencier et
lier.
*
« Brainstorming » : parallèlement à l’analyse – on reprend les
termes du sujet et on pense, imagine, se souvient… à travers eux. Se poser, par
exemple, la question de savoir qui défendrait telle ou telle thèse – et
pourquoi (ancrage du sujet dans des débats existentiels concrets).
Travail
d’imagination inéliminable. Ici on donne une chair, un contenu à nos concepts.
Fondamental :
éviter le hors sujet en travaillant les termes un à un puis en les
liant. Au départ c’est un flux d’idées, de pensées, d’exemples, d’images qui
viennent : nos liens à la réalité, au contenu. Ils nous emportent. Il faut
les contrôler et les utiliser : mettre la bride à l’imagination et s’en
servir. Dans le cas contraire – où le sujet ne me dit rien – c’est l’analyse
des termes qui va servir de tremplin à l’imagination.
Méthodologie :
c’est en faisant travailler les termes du sujet, que son caractère problématique
va émerger.
Analyse des
termes
. Devoir =
obligation morale. S’oppose à indifférence (hors du champ moral) et nécessité
(question de fait – je suis contraint de et non obligé moralement)
(Attention sur ce point : toujours distinguer obligation et contrainte –
je me sens obligé lorsque en dehors de toute contrainte, alors que je
suis libre de faire autrement, je ressens le devoir d’agir de telle manière. Je
suis contraint si je n’ai pas (vraiment) le choix cad si la nécessité m’y force
– pour l’immense majorité, travailler est d’abord une nécessité sans quoi on ne
peut vivre). Si donc le travail devait être un devoir, il devrait être ce qu’on
devrait choisir même en ayant le choix de faire autre chose (de ne pas
travailler).
. Travailler =
activité, effort visant la transformation d’un donné en produit ayant la forme
de - et donc pour - l’homme (ex. la
ménagère transforme la pièce en fouillis en pièce ordonnée, humanisée ;
l’ouvrier le métal informe en pièce ayant telle forme et fonction
déterminée ; le professeur, dans le meilleur des cas, l’esprit « sauvage »
et en gestation des élèves, en esprit ordonné, capable de penser ; le musicien
le chaos des émotions et des images en symphonie…). Très largement le travail
est donc l’activité par laquelle le donné naturel (la nature – nature
intérieure : nos facultés ; nature extérieure – terre, métal…) s’humanise
= devient culture.
. Opposés :
loisir, inactivité, consommation. On notera, pour le moment que : 1) tout
loisir n’est pas non-travail : le musicien, le peintre, le jardinier…
« en herbe », travaillent… On distinguera donc emploi
(rémunéré et inscrit dans la division du travail) et travail (le travail
pleinement libre est loisir) ; 2) A contrario tout emploi n’est pas
nécessairement travail – on peut être payé à ne rien faire (ou, relativement,
à ne pas faire grand-chose). De là
l’affleurement de la question de la justice dans la division du travail :
si l’on dissocie rémunération et travail, il se peut que le prétendu
« devoir de travailler » ne soit rien d’autre que celui de
s’inscrire dans une division inique du travail au profit des groupes
dominants.
Dans cette
dissertation comme il est question de devoir et donc principalement de lien
à autrui et à la société, on se focalisera sur la relation sociale
impliquée dans le travail, relation dont le phénomène de la division du travail
est le centre.
. Première
opposition qu’il faudra donc faire travailler : le travail comme nécessité
/ le travail comme devoir. Question à poser : en quoi – et par qui ?
- le travail peut-il être considéré comme un devoir ? En quoi – et par
qui ? – seulement comme une nécessité dont on pourrait (moralement – on en
aurait le droit) s’affranchir ?
Développement
des positions – on essaiera, afin de mettre en lumière la nature problématique
conflictuelle de chaque position, de trouver respectivement des exemples
nous semblant à première vue positifs (vrais, corrects) et négatifs (faux,
partiels).
. Position 1 - le
travail comme nécessité dont on voudrait s’affranchir. |
. Position 2 – le
travail comme obligation morale. |
Qui ? a)
« Le cavalier solitaire » (théorie des jeux) :
correspondant à la position égoïste (première et naturelle) de celui qui se
considère comme centre de ce monde et pour qui les autres ne sont que des
outils (pour son plaisir ou ses fins). Cf. celui qui aimerait gagner au loto
pour faire le tour du monde, etc… : consommer sans travailler. |
Qui ? a) Les
patrons (cf. le Medef – « s’unir pour la France » ou le
monde comme une vaste entreprise dans laquelle chaque nation concoure au bien
de tous) : il faut travailler, c’est un devoir contre la paresse,
premier des vices car antisocial ; travailler c’est participer à la
force de l’entreprise « France » ou « Monde » dans
laquelle nous sommes tous unis et solidaires. |
b.1) Contradiction : oubli
du caractère inique de la division sociale du travail – division des classes
sociales, propriétaires / prolétaires ; pays riches / pays
pauvres… : l’unité est une fiction visant à masquer le pouvoir des
dominants (grands propriétaires) à l’échelle tant nationale que mondiale et
au profit desquels nous travaillons ; oubli de la question : à quoi
bon « l’entreprise France » ou « Monde » ? = dans
quel but, pour construire quel type de société ? b. 2) Celui qui dénonce le
« culte du travail » : le travail est une nécessité
qui, certes, doit être partagée (exigence de justice), mais si l’on peut se
débarrasser (via le développement technique et le partage du travail) d’une
telle nécessité cela vaut encore mieux. Exigence d’une société de loisir (lesquels ?)
pour tous. |
b) De quoi est fait le pain que
tu manges ? Du travail (et donc de l’effort, de la sueur et du sang) des
autres. La position 1.a est immorale
en ce qu’elle ne peut être universalisée (valable pour tous) : je
n’accepterais pas que l’autre vive sans rien faire de mon travail (se
mettre à la place d’autrui) – de là l’exigence pour l’autre et donc pour
moi-même de réciprocité ; généralisée à l’ensemble de la société, sans
travailleurs plus de produits et donc plus de consommation (sauf à ce que les
machines produisent pour nous – et c’est un second point). On n’existe donc jamais seul,
fiction de l’existence solitaire : nous sommes pris dans un tissu social
de relations auxquelles nous devons notre existence. Prendre conscience de
cette dépendance et de ce qu’elle m’apporte (élargir ma vue) c’est prendre conscience
des devoirs qui m’incombent : agir en se mettant à la place de tout
autre (formule du devoir) impose de prendre sa part du travail social.
Question restant posée cependant : mais en vue de quoi (cf. 2. a)
? |
Nous avons
donc deux thèses opposées qui, chacune saisie unilatéralement, donne prise à deux
types d’arguments antithétiques. Chaque thèse semble ainsi pouvoir se défendre
de deux façons différentes et renvoyer dialectiquement (par le biais du
dialogue = de l’explicitation et de la discussion) à l’autre position. La tâche
de la dissertation est de mettre au clair en un progrès de l’argumentation
la validité relative de chaque position en dépassant leur caractère figé et
unilatéral (cf.schéma + bas).
Nous pouvons maintenant mettre pleinement en lumière
le problème posé, les écueils à éviter et ses enjeux,
ainsi que la tâche à effectuer (à mettre en intro).
L’ensemble (pb, écueils, enjeux) peut
définir la problématique (manière de poser et d’expliciter le problème) :
Problème :
« Travailler n’est-ce qu’une simple nécessité dont on pourrait – et à
quelles conditions ? – moralement s’affranchir ou bien y a-t-il – et dans
quelle mesure ? - une valeur morale du travail qui nous imposerait le
devoir de nous insérer – mais dans quelles conditions ? - dans la division
sociale du travail ?»
Ecueils :
« Si, en effet, le refus du caractère moral de l’obligation de
travailler peut-être le fait d’un égoïsme aveugle au caractère social de notre
existence, l’appel au devoir de travailler ne peut-il être le médium par lequel les rapports de force régissant
la division sociale du travail tendent à être masqués ? »
Tâche et enjeux
: « Il s’agira alors d’analyser les conditions et les limites de
l’appel à un devoir moral de travailler en évitant tant l’écueil de
l’aveuglement égoïste que celui du masque idéologique. Nous pourrons alors
espérer acquérir une claire conscience de la valeur du travail humain,
conception qui nous servira de guide pour l’élaboration d’un projet de société juste et désaliénée ».
2) Elaboration
du plan
Le
plan - en trois parties - suit une démarche progressive qui déploie une
première thèse, met en lumière les concepts sous-jacents et les fait
travailler jusqu’à l’apparition de problèmes / contradictions que la
seconde thèse va intégrer / dépasser. Ainsi de suite jusqu’à une troisième
thèse, définitive, qui ayant situé et intégré les points de vue
précédents permet de répondre
clairement et distinctement à la question posée.
Les TRANSITIONS :
importance de la mise en lumière des écueils = des pièges théoriques
à éviter. Presque toujours les écueils sont les transitions
de partie (de la I à la II ; de la II à la III). Développer la partie I – pas
de devoir de travailler – conduit immédiatement au soupçon d’égoïsme
aveugle (écueil I). Ce qui engage la deuxième partie – c’est un devoir de
travailler – qui, elle-même laisse soupçonner un masque idéologique. C’est
par le dépassement de ces deux écueils que s’élaborera la troisième partie
montrant les conditions et les limites d’un devoir de travailler en évitant ces
deux écueils.
Ce qu’est une
dissertation de philosophie
. La mise en
lumière et le traitement progressif d’un problème dont les différentes parties
sont autant d’étapes de résolution : une dissertation est une
argumentation en progrès.
. On ne passe
pas d’une partie à une autre par la considération extérieure d’un autre
point de vue mais par dépassement interne des contradictions et des
problèmes suscités par le développement de la partie antérieure.
. Chaque partie
doit englober celle qui la précède c'est-à-dire la dépasser (progrès) et
en rendre compte (expliquer pourquoi le point de vue antérieur était partiel,
et ainsi pourquoi il entraînait nécessairement telle contradiction).
Ce que n’est
pas une dissertation de philosophie
. Une
juxtaposition de points de vue sur une question : absence de dialogue
= trois monologues.
Texte de Hegel :
la pensée philosophique est un mouvement de dépassement et d’intégration des
contradictions dans un système supérieur
« Le
bouton disparaît dans l’éclatement de la floraison et l’on pourrait dire que le
bouton est réfuté par la fleur. A l’apparition du fruit, également, la fleur
est dénoncée comme un faux être-là de la plante, et le fruit s’introduit à la
place de la fleur comme sa vérité. Ces formes ne sont pas seulement distinctes,
mais encore chacune refoule l’autre, parce qu’elles sont mutuellement
incompatibles. Mais, en même temps, leur nature fluide en fait des moments de
l’unité organique dans laquelle elles ne se repoussent pas seulement, mais dans
laquelle l’une est aussi nécessaire que l’autre, et cette égale nécessité
constitue la vie seule du tout ( …). La chose, en effet, n’est pas épuisée par
son but, mais dans son actualisation ; le résultat non plus n’est pas le
tout effectivement réel; il l’est seulement avec son devenir ; pour soi le
but est l’universel sans vie, de même que la tendance est seulement l’élan qui
manque encore de sa réalité effective, et le résultat nu est le cadavre que la
tendance a laissé derrière soi » (Phénoménologie de l’esprit).
Explicitation
sur cet exemple
« Ces
formes ne sont pas seulement distinctes, mais encore chacune refoule l’autre,
parce qu’elles sont mutuellement incompatibles».
La première thèse (le travail comme nécessité)
s’oppose à la seconde (le travail comme devoir). Elles sont
contradictoires : elles s’excluent.
« Mais,
en même temps, leur nature fluide en fait des moments de l’unité organique dans
laquelle elles ne se repoussent as seulement, mais dans laquelle l’une est
aussi nécessaire que l’autre, et cette égale nécessité constitue la vie seule
du tout ».
Elles sont des moments de « l’unité
organique » : comme le bouton précède la fleur, la première thèse
précède la seconde. Comme le bouton contient moins que la fleur, la première
thèse contient moins que la seconde : du bouton à la fleur, de la première
thèse à la seconde, il y a progrès. Progrès théorique : la prise de
conscience des relations sociales inhérentes à mon existence rend illusoire car
non universalisable le point de vue partial du « cavalier
solitaire ». Progrès pratique : grandir c’est reconnaître que l’on
n’est pas seul au monde et que je dois traiter les autres comme j’aimerais
qu’ils me traitent (exigence de réciprocité).
Mais un tel
progrès n’est pas exclusion de la première thèse par la seconde, de la
seconde par la troisième. Les trois parties sont à prendre comme le mouvement
même d’un tout vivant : l’important c’est le mouvement de la
pensée qui entraîne contradictions et problèmes, que la pensée cherche à
résoudre et à dépasser (deuxième thèse), ce qui à son tour, engendre tels
problèmes que la pensée devra intégrer (troisième thèse)…
Une dissertation
réussie est une totalité organique, une pensée vivante, unifiée et en progrès.
a) Elaboration
d’un tableau conceptuel
Afin d’y voir clair dans l’ensemble de sa
dissertation – d’en saisir l’unité (et c’est une telle unité que l’on attend de
vous) - on peut présenter les trois
parties de la dissertation dans un tableau conceptuel mettant en lumière :
a) horizontalement : la relation des concepts au sein de chaque
thèse; b) verticalement : le mouvement vivant de la dissertation de la
thèse 1 à la thèse 3 à travers la résolution des contradictions, le dépassement
des concepts les uns dans les autres.
Si philosopher c’est partir de l’immédiat
(qui est toujours aveuglement, cf. cours d’intro) pour le réfléchir et l’élever
à la conscience et donc au dépassement de lui-même, on pourra ici partir du
sentiment immédiat selon lequel « le travail est une nécessité sans
caractère moral dont on aimerait, par conséquent, pour soi-même bien se passer »
(position du « cavalier solitaire ») afin de le réfléchir et
de le dépasser : les trois parties seront alors autant d’élévations du
niveau de conscience.
Thèse 1 Le travail n’est pas un devoir,
c’est une nécessité dont il faut s’exempter. |
Thèse 2 Il existe un devoir de
travailler, devoir lié à la nécessité de s’intégrer avec justice dans
la division sociale du travail |
Thèse 3 Le devoir de travailler n’est
relatif qu’à une division juste du travail social et ne saurait
ultimement subsister sous l’horizon futur souhaitable d’une société de
loisir. |
Conscience immédiate |
Conscience des médiations sociales |
Conscience réfléchie des justes
médiations |
Individu |
Société |
Société juste |
Egoïsme |
Sociocentrisme |
Humanisme |
Travail corvée |
Travail devoir |
Travail devoir sous condition d’une
organisation sociale juste et d’un état technique donné |
Effort individuel ayant pour fin la
consommation immédiate pour soi |
Effort collectif ayant en vue la
maîtrise de la nature |
Effort collectif dont la fin doit
être la réalisation d’une société libre et juste |
Devoir = ordre extérieur |
Devoir = voix de ma raison qui m’impose
d’agir comme si j’étais un autre |
Devoir = élargi et relié à la
conception politique de l’organisation sociale |
Le produit consommé ou utilisé = réduit
à moi-même = mon plaisir et mes fins. |
Le produit consommé ou utilisé = le
fruit du travail (de la vie) d’autrui dans un système de division du travail
et d’échanges réciproques. |
Les produits socio-historiquement
consommés et utilisés = le fruit du travail (de la vie) d’autrui dans un
système de division inique du travail et d’échanges inégaux. |
Ecueil I : position non
universalisable car celui qui s’exempte de travailler vit du travail des
autres : caractère immoral. |
Ecueil II : le discours sur
l’intégration morale dans la division sociale du travail cache souvent
l’iniquité d’une telle division. |
Conclusion – bilan Le travail n’est donc pas un devoir en
soi : il n’en est un que relativement à une organisation juste
du travail social – hors de quoi ce n’est que nécessité - et à un état donné
du développement technique. Ce caractère non absolu de la valeur du travail
rend possible le projet d’une société de loisir, libérée du travail labeur
pour le travail libre (réalisation de soi). |
b) Construction
du plan (Ici partiellement rédigé)
I Le travail n’est pas un devoir, c’est
une nécessité dont il faut s’exempter
1) Le travail est soumission à la nécessité…
Image du
travail (Genèse = condamnation) = souffrance (effort et pénibilité) et
nécessité (absence de choix : pour vivre). Cause = distance désir humain /
réalité : la nature, non adéquate à l’ordre humain, doit être
continuellement (re)mise en forme. Cf. les cycles du paysan (débroussailler,
creuser, semer…). Le travail = cet effort nécessaire et cyclique par lequel
l’homme humanise un donné (nature) qui lui oppose résistance.
2) … or
l’obéissance à la nécessité est une contrainte non un devoir…
Comment
l’obéissance à la nécessité pourrait-elle être encore devoir (cf.
Rousseau, Contrat Social, l. I, chap. 3) ? Devoir = obligation
morale qui n’a de sens que parce que je suis libre de m’y refuser. Deux
exemples : ce ne peut être un devoir de ne pas être malade
(nécessité) ; ce peut être un devoir d’aider un aveugle à traverser la rue
(je peux faire autrement : choix et liberté). Or travailler = choix
certes, mais sous contrainte : nécessaire pour vivre = obéissance à
la « force des choses » non à une injonction morale.
Travailler : non devoir en soi mais vécu à travers les temps comme
un labeur nécessaire.
3) … dont on
peut, dès lors, s’exempter pour jouir égoïstement des produits achetés.
Le but du
travail individuel = l’obtention d’argent cad de ce medium d’acquisition de
biens utiles et consommables. Si le travail = nécessité par l’opposition désir
/ réel, qui ne préférerait la réalisation immédiate de cette opposition ?
De là le désir d’argent sans travail (loto, bourse, etc.). Vis-à-vis de quoi
tout appel au devoir de travail apparaît comme un ordre extérieur – « l’ordre
moral » - visant à imposer ses normes archaïques au désir légitime de
bien vivre – cad de bien jouir.
Résumé : le
travail, en un sens immédiat, n’est donc pas un devoir en soi, mais
soumission à la nécessité dont on pourrait légitimement pour soi-même
s’exempter.
Transition :
mais celui qui
s’exempte de travailler vit cependant du travail des autres – caractère aveugle
et, de fait, immoral d’une telle exploitation ?
II Il existe un devoir de travailler,
devoir lié à la nécessité de s’intégrer avec justice dans la division sociale
du travail
1) Derrière
l’immédiateté de la vente et l’achat, il y a la réalité de la division du
travail et de l’effort humain…
La première
position, immédiate – position égoïste centrée sur l’individu et son jouir =
aveugle sur les médiations (système de relation et d’échanges) qui cependant
rendent possible sa propre position :
pas de produit consommable sans travail humain et division du travail.
Conscience immédiate : la réalité = réduite à ce que j’en vois et
sens : le produit est là, l’argent est dans ma poche, je n’ai plus qu’à
l’absorber cad le réduire à ma jouissance égoïste. Or telle n’est pas la réalité
du produit ni de l’argent que j’ai en poche : réalité = système de
division et d’échange cad concrètement des milliers de vies individuelles de labeur, effort
– sang et sueur - anonyme de travailleurs de l’ombre.
2) …celui qui
veut s’en exempter a une attitude non universalisable et donc (Kant) immorale…
Or celui qui
veut s’exempter du travail commun - position du « cavalier solitaire »
(théorie des jeux) (celle du spéculateur, rentier mais aussi, relativement,
patrons d’industrie, etc.. ) - vit de
ce que l’universalisation de sa maxime de vie rendrait impossible. Tous
jouisseurs, tous exploitateurs = jouissance de rien du tout faute de produits à
utiliser / consommer. Or, maxime de la morale : Kant =
l’universalisation possible de sa maxime de vie : est morale l’action que
je peux légitimement effectuer en me mettant par raison à la place de l’autre
et de tout autre. Accepterais-je que mon prochain vive du fruit de mon labeur
alors même qu’il ne fait rien pour le gagner ? Non : je dois donc moralement
refuser ceci pour moi-même.
3) … la
raison nous dicte au contraire que c’est un devoir de travailler afin de
s’intégrer dans la réciprocité d’un effort commun.
A contrario
donc, notre raison, par delà l’apparence immédiate, en prenant une conscience
élargie des choses et des autres, nous fait apercevoir que c’est bien un devoir
de travailler. Même si je pouvais de fait m’exempter de travail, moralement,
je ne le devrais pas afin de prendre ma part de l’effort social commun pour
produire les biens sociaux au bénéfice de tous. N’est-ce pas d’ailleurs en
partie une telle conscience (jointe au désir de reconnaissance) qui travaille
celui que la retraite ou le chômage a relégué dans le sentiment difficile
d’être devenu un inutile (aux autres) ?
Résumé :
par delà la conscience immédiate, aveugle et immorale, pour une conscience
réfléchie consciente de son intégration sociale, travailler = un devoir.
Transition :
le discours sur
l’intégration morale dans la division sociale du travail ne cache t’il pas,
cependant souvent, l’iniquité d’une telle division ?
III Devoir de travailler=relatif à
une division juste du travail social et ne saurait ultimement subsister
sous l’horizon souhaitable d’une société de loisir
1) Par delà
l’apparent échange équitable du marché, des rapports de production non
choisis et iniques gouvernent les lois de l’échange…
S’insérer dans
la division du travail, certes mais laquelle et comment ? Abstraction
relative du discours sur le devoir de travailler : concrètement =
dans quelles conditions ? Marx : les sociétés ne sont pas des
communautés unitaires (=fiction, alibi des pouvoirs) mais des systèmes de
rapports conflictuels de classe s’inscrivant dans des rapports inégaux de
production et d’échange. Ex. la division indo-européenne de Dumézil : prêtre
/ guerrier / travailleur. Fiction de l’échange équitable : le prêtre prie
pour le guerrier et le travailleur, en échange il est défendu et nourri, etc.
Mais nul paysan n’a choisi de l’être ni ne peut devenir autre chose ; il
doit accepter un ordre hiérarchique qui s’impose à lui : comment
pourrait-ce devenir un devoir « d’engraisser » ceux qui le «vampirisent»
(Marx) ? Société capitaliste : derrière l’apparence égalitaire du contrat
de travail (différence avec les sociétés antérieures) il y a iniquité du
contrat du fait du monopole de la possession des moyens de production d’un côté
(les capitalistes), et l’absence de propriété autre que la seule force de
travail de l’autre (les prolétaires) – le prolétaire doit donc se vendre (une
partie de sa vie) à tout prix pour vivre.
2) …Il ne
saurait donc y avoir de devoir de travailler sous des rapports iniques
de production et la poursuite d’une fin aveugle et absurde…
Est-ce donc un
devoir en plus d’être une nécessité pour le prolétaire (celui qui n’a rien d’autre
que sa force de travail à vendre) que de consumer la plus grande partie de sa
vie au profit relatif de quelques-uns et de fins (les buts de l’entreprise, et
plus généralement, ceux de la société – en société capitaliste la production
sans frein et sans fin = l’accroissement du capital) qu’il n’a pas
choisi ? La première condition qui est celle de l’égale répartition des
efforts (réciprocité) n’est donnée qu’en apparence (fiction de l’échange égal).
Seconde condition : il n’y a de devoir effectif que pour une raison
qui réfléchit lucidement ses propres conditions d’existence. Or les fins pour
lesquelles le prolétaire consume son existence s’imposent à lui dans leur
absurdité : la production sans fins de toujours nouveaux gadgets ayant
pour but le profit croissant de l’entreprise et, globalement, une croissance
dont on n’interroge plus la finalité. Nul ne saurait donc avoir pour devoir
de travailler au sein d’un tel système.
3) … ce qui,
par delà le discours idéologique, situe le devoir de travailler non dans un
absolu mais dans la dépendance d’un développement technique donné de la
société.
Si donc au sein
de rapports de production iniques travailler ne saurait être un devoir,
cela reste pour la plupart des hommes une simple nécessité. On peut alors s’interroger
sur l’intérêt du discours moralisant quant au devoir de travail dans une
situation où l’analyse objective récuse sa justesse. Cf. les discours sur
« l’entreprise France », sur l’unité communautaire face à l’étranger,
etc. Rousseau : il s’agit par le discours de transformer la force,
arbitraire et illégitime, en droit - comme on ne le peut en vérité, on ne le
peut que par les mots. Eterniser le devoir de travail est un moyen pour ceux
qui ont le pouvoir de : a) éviter la contestation au sein des rapports de
production en figeant ses derniers sous la fiction d’une unité de
réciprocité; b) rendre impossible le questionnement sur l’absurdité d’une
société dont la fin dernière est l’accroissement sans fin de l’accumulation du
capital. On conçoit a contrario qu’une interrogation lucide sur le devoir de
travail devrait situer ce dernier sous l’horizon d’une juste répartition des
tâches et d’une politique consciente visant les fins dernières auxquelles vouer
nos vies. A ce titre on conçoit abstraitement que le développement technique
(productivité croissante) pourrait être utilisé pour diminuer la charge globale
de travail (ce qui suppose sa répartition – et non la captation du gain de
productivité par quelques-uns au détriment de tous les autres) et développer
une société lucidement – donc politiquement - désirée où le travail aurait une
autre fin que de se perpétuer.
3) Ecriture
de l’introduction et de la conclusion (30 min).
Avant la
rédaction de la dissertation, il convient de rédiger entièrement au brouillon
l’introduction et la conclusion. J’insiste sur l’importance d’une telle
rédaction : c’est ce que votre correcteur lit en premier - en lisant introduction et conclusion, il
doit saisir l’unité de votre dissertation c'est-à-dire la manière dont vous posez
un problème à partir de la question donnée et y répondez en trois parties.
Conclusion :
Reprendre l’essentiel du développement (résumé) + ouvrir sur les questions et
problèmes qui restent posés (si possible)
Introduction :
a) Analyse des termes.
b)
Problématisation du sujet (analyse des termes, problème, implications, enjeux).
c) Présentation du plan ou du point de départ.
Introduction
a)
Analyse rapide des termes. Le travail, cet effort par lequel l’homme
humanise le donné naturel en y posant sa marque, n’est, en effet, pas
définissable hors de la réalité sociale de la division du travail. Impliquant
par là-même spécialisation et échange, une relation à autrui est impliquée dans
sa nature même. Si, à son tour, le devoir, à distinguer de la contrainte qui
n’est qu’obéissance à la nécessité, est une obligation morale envers l’autre et
les autres, on peut s’interroger sur la nature morale des relations
humaines au sein du vaste système de la division sociale du travail.
b)
Problématique. Travailler n’est-ce ainsi qu’une simple nécessité dont on pourrait – et
à quelles conditions ? – moralement s’affranchir ou bien y a-t-il – et
dans quelle mesure ? - une valeur morale du travail qui nous imposerait le
devoir de nous insérer dans la division sociale du travail ? Si, en
effet, le refus du caractère moral de l’obligation de travailler peut-être le
fait d’un égoïsme aveugle au caractère social de notre existence, l’appel au
devoir de travailler ne peut-il être a contrario le médium par lequel les rapports
de force régissant la division sociale du travail tendent à être
masqués ? Il s’agira alors d’analyser les conditions et les
limites de l’appel à un devoir moral de travailler en évitant tant l’écueil de
l’aveuglement égoïste que celui du masque idéologique. Nous pourrons alors
espérer acquérir une claire conscience de la valeur du travail humain,
conception qui nous servira de guide pour l’élaboration d’un projet de société juste et désaliénée.
c)
Présentation du plan. Nous partirons pour ce faire de la position
la plus immédiate selon laquelle le
travail est une nécessité sans caractère moral dont on aimerait, par
conséquent, pour soi-même bien se passer (position du « cavalier
solitaire ») afin de la réfléchir et de la dépasser. Notre
développement sera ainsi conçu comme une succession d’élévation du niveau de
conscience concernant la véritable nature du travail humain dans sa relation
problématique au devoir.
Conclusion
Dans
un premier temps, nous avons fait nôtre la position la plus immédiate selon laquelle
le travail ne saurait être un devoir en soi puisque de l’ordre d’une
nécessité qui s’impose à nous et vis-à-vis de laquelle nous ne saurions être
véritablement libre de choix et donc responsable. A ce titre il apparaissait à
cette première conscience que par delà les appels extérieurs, archaïques et
moralisant à un quelconque devoir de travailler, il était, si possible,
légitime de s’en exempter afin de jouir privativement des produits absorbés. Si
une telle position nous est, dans un second temps, apparu inacceptable, c’est
qu’elle repose sur une forme d’aveuglement lié à l’absence de pensée des
relations sociales dans lesquelles nous sommes irrémédiablement situés. Cette
première position n’est, de fait, pas universalisable. A contrario une conscience
réfléchissant le système de division du travail duquel son existence dépend,
sensible à la consumation des milliers de vie qui rendent possible l’absorption
d’un simple sandwich au fromage, doit concevoir comme un devoir le fait de
travailler, c'est-à-dire de s’insérer dans la réciprocité de rapports de
production et d’échange. A un troisième regard, cependant, cette deuxième
position apparaît singulièrement abstraite. C’est que parler de société ou de
division du travail en général c’est faire fi de l’organisation concrète
d’une telle division. Or, en fictionnant une inexistante unité sociale, il nous
est apparu que la référence au devoir de travailler pouvait servir d’alibi à
l’occultation d’une division inique du travail. L’histoire dans laquelle nous sommes
inscrits est, en effet, largement celle du capitalisme, ce mouvement sans fin
d’accroissement du capital que Marx a su mettre en lumière. Ce système repose
tant sur la division de classe entre capitaliste possédants et prolétaires que
sur l’aveuglement politique final sur les fins dernières de la société (et donc
du travail). Si le devoir est lié à la raison et s’il ne saurait être
raisonnable de nier tant la réciprocité que d’être aveugle sur les fins
dernières de notre activité, il ne saurait être un véritable devoir de
travailler au sein d’une telle organisation sociale. A contrario, on conçoit
que dans une organisation juste et politiquement éclairée de la production
humaine, le devoir de travailler puisse reprendre sa charge positive. Reste que,
contraint par la nécessité de vivre en commun, il ne saurait être fin en soi
– et donc devoir éternel. Une conception éclairée des finalités de la vie
sociale, prenant en compte les immenses gains de productivité rendus possible
par les diverses révolutions technologiques, ne devrait-elle pas, au contraire,
viser la réduction (voire l’élimination) du travail-labeur ? Le travail ne
saurait donc être un devoir que relativement à une organisation
socio-technique donnée et mouvante de la production. Par delà le temps gagné
sur le travail-labeur, une société de loisir ne rendrait-elle pas ainsi
possible le déploiement de cette autre forme de travail, ce travail libre par
lequel, selon Marx, l’homme réalise sa propre humanité en développant ses puissances propres et s'unissant à
l’autre homme ? Où le travail cesserait alors d’être devoir et nécessité pour
devenir joie et liberté…
4)
Rédaction
. Recopier l’introduction, rédiger les
parties, résumés et transitions, recopier la conclusion… Et ne pas oublier de
vous relire !
. Titres et sous-titres des parties ne
figurent que sur le brouillon – ils doivent disparaître lors de la
rédaction.
J’insiste sur la présentation :
. On sautera une ligne après l’introduction et chacune des parties
. On ira à la ligne en marquant un aliéna, après
(et seulement après) chaque sous-partie.