Garfield – en quel sens la perception animale n’est pas perception libre

 

 

 

 

Zone de Texte: Pas de contemplation chez l’animal. Contempler c’est voir le monde en étant détaché de tout intérêt – voir le monde pour lui-même. Contemporaine de la distanciation de l’homme vis-à-vis de ses pulsions, la conscience est ce par quoi s’ouvre pour l’homme un monde à explorer par le regard et la pensée. A contrario Garfield ne peut voir que ce qui instinctivement – c'est-à-dire naturellement -  l’intéresse sans capacité de distanciation et de remise en cause : le monde n’est que lasagne ou absence de lasagne. Repu, le chat s’endort ou  semble, les yeux ouverts, en « stand by », torpeur que l’on peut lire dans son œil quasi-vide (de pensée).
 

 

 

 

 

 

 

 

 


Texte joint : Descartes – sur le langage des bêtes

 

« Bien que toutes nous signifient très facilement leurs impulsions naturelles, telles que la colère, la crainte, la faim, ou autres états semblables, par la voix ou par d’autres mouvements du corps, jamais cependant jusqu’à ce jour on n’a pu observer qu’aucun animal en soit venu à ce point de perfection d’user d’un véritable langage c’est-à- dire d’exprimer soit par la voix, soit par les gestes quelque chose qui puisse se rapporter à la seule pensée et non à l’impulsion naturelle » (Lettre à Morus, 5 février 1649).

 

Si l’animal n’est assurément pas un animal-machine (cf. cours sur Schopenhauer, 1), si les animaux ont des mondes, mondes multiples et invisibles projetés par leur puissance propre perceptive,

 

« Car il faut voir dans les animaux non des choses mais des «sujets », qui vivent dans leur monde (le monde de la tique, de la mouche, de l’oursin, du chien, etc.) non dans le Monde. Ces mondes sont des « totalités closes », mutuellement impénétrables : l’abeille vit exclusivement dans son monde ; elle n’est pas capable de se substituer, en pensée, à la mouche, pour vivre dans le monde de la mouche » (Marcel Conche, L’aléatoire, PUF, p. 78).

 

Ils ne sont pas pour autant libres vis-à-vis de leur monde. L’animal dit encore Marcel Conche est enfermé dans un monde clos qu’il ne peut penser ni mettre à distance : jamais Garfield ne pourra seulement tenter de voir le paysage autrement qu’il ne le voit.

Jon, au contraire, peut librement tenter de penser le monde du chat – ce que nous faisons ici même - , viser le monde en esthète, en biologiste ou en industriel. Cette distance libératrice par rapport à son propre monde est le corollaire de cette capacité que souligne ici Descartes de se détacher de l’ancrage affectif. Si Garfield ne peut pas parler une autre langue que celle de ses instincts c’est que toutes ses facultés, comme autant de détours, s’y ramènent finalement. Ainsi si les singes les plus intelligents sont capables d’invention stratégique et ont pu, via intervention humaine, élaborer un impressionnant détour linguistique, ils semblent cependant n’avoir qu’un usage utilitaire de ce langage. Ce pourquoi la vérité, qui suppose de pouvoir voir la chose pour elle-même sans la réduire à mes intérêts, leur est fermée.